« Un monde formidable » est le premier album d’Achab sorti en 2017. On l’a découvert au printemps lors d’une émission diffusée sur Arte Ni Dieu ni maître retraçant l’histoire de l’anarchisme en tant que mouvement populaire et politique à travers le filtre de l’histoire. On n’en fera pas le résumé mais il s’agit d’un pan de l’histoire internationale mis aux oubliettes… Et c’est dans ce documentaire que se trouve une furieuse musique qui nous a emmené jusqu’à ACHAB. Groupe dans lequel on retrouve le réalisateur du reportage, Tancred Ramonet. Nous nous sommes procurés la galette, nous l’avons écouté et nous avions surtout envie de vous en parler…
Achab. Mais qui est Achab ? Ni plus ni moins que le capitaine légendaire du Péquod dans Moby Dick qui pourchasse sans fin à la folie la baleine blanche. Un quête frénétique et effrénée qui conduira le « brave » capitaine à une mort certaine. Un peu la direction de notre beau et juste monde capitaliste, frénétique, inconsidéré et déconnecté des réalités physiques et sociales. Achab se prononce également « ACAB » qui signifie « All cops are bastard », expression répandue à travers le monde contre les répressions policières et militaires souvent envoyées à la face de leur peuple pour protéger des intérêts économiques. Bref, ACHAB annonce faire du rock libertaire.
La première chanson nous met directement dans le bain. Éponyme de l’album, Un monde formidable est absolument délicieux de part son ironie. Chanté à la première personne du singulier, le discours est celui d’une personne ne voulant pas voir la réalité peu glorieuse de notre société emprunt de violences. Le discours que beaucoup de personnes des hautes strates portent régulièrement en prenant leurs semblables pour des pigeons, ce n’est pas sans nous rappeler ce pathétique personnage d’AXA au discours ahurissant… Mais le mieux pour comprendre la portée de ce morceau est de visionner le clip vidéo qui l’accompagne. Les images du clip peuvent être choquantes, mais se trouvent en libre accès sur internet, Un monde formidable ?
La suite est un doux mélange de morceaux naviguant entre amour, colère, noirceur, réflexions, mémoire et liberté ! De l’amour, tantôt dans la vie de couple (Tout recommencer), tantôt dans la vie parentale (9 mois et quelques jours) ou encore dans le cas d’une douloureuse et passionnelle séparation passée (Qui vivra verra). ACHAB nous donne son lot de douceurs mais également son lot de critiques et de questionnements acerbes sur la vie courante. Ça c’est Paris questionne la doctrine urbanistique du moment à travers le prisme de Paris-la capitale. Un urbanisme ayant pour objectif une financiarisation totale de l’espace urbain. Bétonnage, partenariat ‘public-privé’, publicité omniprésente sur l’espace public, fleurissement de chaînes multinationnalisées, omniprésence de caméras, ghettoïsation, logements vides, spéculations immobilières…
Bref, une réduction totale des lieux communs et des libertés suivi d’un muselage bien orchestré empêchant la réappropriation de l’espace par les humains. Mais comme le dit l’adage (et ACHAB le rappelle) : « mais sous la plage y a des pavés ». Les villes sont de simples pôles « d’attractivité » pour lesquelles nous sommes sommés d’être hyper-mobile, d’habiter en circonférence et d’alimenter la méga-machine capitaliste en nous rendant dépendant à tout un attirail technique et technologique pour lequel il serait bon de revoir leur utilité concrète.
ACHAB utilise la langue de Molière avec un rock expérimental, là où beaucoup se contentent de baragouiner quelques textes anglophones vides de sens dans des rocks aseptisés. L’équilibre trouvé par ce groupe entre texte, histoires et musicalité est subtil et bien foutu.
L’album se termine sur un morceau qui nous à fait chavirer avec ce bon vieux capitaine à bord de son navire, un morceau de 9 minutes, Encore un jour sans massacre. Un regard froid, teinté de colère, retraçant les pensées de Lola, lycéenne.
Article écrit par le site : www.lemusicodrome.com